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Microclimat, fiscalite, cout de la vie: le Valais se profile comme la Floride de la Suisse

Le Temps
Francois Mutter
Jeudi 11 novembre 2004

NICHE. Les jeunes retraites affluent en Valais. Le canton est le seul de Suisse romande a avoir connu ces dernieres annees une croissance positive des classes d'age de 50 a 64 ans. Outre une offre grandissante dans le domaine des loisirs, les seniors ne sont pas indifferents aux multiples avantages offerts: droits de succession nuls, primes d'assurance maladie basses, etc.

Le Valais n'a jamais aussi bien porte son nom de Vieux Pays. Il s'impose comme la Floride de la Suisse. Les seniors venus d'ici et d'ailleurs y affluent. Et l'achevement des lignes ferroviaires a travers les Alpes (NLFA) a l'horizon 2006-2007 ouvrira de nouvelles perspectives, souligne Urs Zenhausern, directeur de Valais Tourisme. Dans ces conditions, pourquoi le canton ne favoriserait-il pas ce creneau en cherchant a attirer de jeunes retraites dynamiques? s'interrogent les auteurs d'une etude sur l'economie romande publiee en octobre par Credit Suisse. Leur constat repose sur le fait qu'a l'exception de Monthey/Saint-Maurice, toutes les regions du canton marquees par l'industrie traditionnelle presentent a moyen et a long terme des perspectives de croissance de la valeur ajoutee inferieures a la moyenne suisse.

Paradis romand
L'evolution demographique du canton sur les cinq dernieres annees (entre 1998 et 2003) prouve en tout cas que de nombreux seniors ont deja mene de leur propre chef cette reflexion, avant meme qu'on les en incite. Le Valais se presente comme le seul canton romand a avoir enregistre une croissance positive des classes d'age de 50 a 64 ans. Certes, les 2071 heures de soleil dont beneficie chaque annee Crans-Montana - moyenne sur trente ans - contre 1549 a Neuchatel ou 1694 a Geneve ont convaincu plus d'un retraite. Mais ce n'est pas le seul argument. En plus de l'offre renforcee dans le domaine des loisirs, avec une dizaine de golfs desormais accessibles ainsi que 53 stations de sports d'hiver, et du bien-etre avec des thermes aussi bien a Saillon qu'a Loeche-les-Bains, la fiscalite et le cout de la vie encouragent les aines a s'y installer.

«Ce n'est pas une hypothese, c'est un fait. Le Valais deroule le tapis rouge pour accueillir les gros contribuables etrangers», affirme Francois-Xavier Micheloud, associe aupres de Micheloud & Cie, un cabinet lausannois assistant les fortunes desireuses de s'installer en Suisse. Plus concretement, le canton offre une fiscalite attrayante a l'egard des etrangers ages de plus de 55 ans, une fiscalite dite a forfait. A condition que ces derniers transferent le centre de leurs interets et resident en Valais tout en n'exercant plus d'activite lucrative.

Preuve du poids de l'argument, le quotidien financier Financial Times accueille dans ses pages des annonces de ventes de chalets situes a Anzere, dans le Bas-Valais. On y vante une region au c?ur de l'Europe, mais en dehors de la zone euro. A defaut d'un amenagement fiscal particulier, les Suisses beneficient aussi d'avantages. Les droits de successions s'averent tres bas voire nuls en ligne directe. Des conditions auxquelles on n'est pas insensible, quand on va sur ses vieux jours. Le faible niveau des primes maladie et de l'impot sur les vehicules - le meilleur marche du pays - permettent aussi aux retraites d'alleger leurs budgets mensuels.

Dans une enquete publiee en juin 2004 sur les paradis economiques de Suisse romande, qui se base sur toute une serie de depenses quantifiables (impots, taxes, loyer, eau, electricite...), le mensuel Bilan place les 28 localites valaisannes etudiees devant toutes les autres communes romandes. Certes, un celibataire et une famille de quatre personnes composent les menages types passes a la loupe, la tendance n'en est pas moins bien la. «Le cout de la vie est bien meilleur marche», confirme un retraite ayant quitte la region lemanique en 2001 pour s'installer a Mase au-dessus de Sion.

Les seniors choyes
Enfin, le canton choie le troisieme age. «Tout le monde se salue ici, temoigne-t-il. S'arreter pour discuter un moment releve de la normalite. On y cultive vraiment les relations sociales. J'ai vecu dans un village de plaine de 400 habitants. C'etait un autre monde. On aurait pu crever, seule l'odeur aurait reveille les voisins.»

L'enquete realisee en octobre 2003 par l'Hebdo confirme cette impression. Sur la base de la qualite de l'environnement affectif, du cadre de vie ainsi que de la politique menee a l'egard des aines, le Valais ressort comme etant le canton romand ou le troisieme age est le mieux traite. Il occupe surtout la premiere place du classement affectif, loin devant les autres. S'il en ressort que les Valaisans soignent l'esprit de famille, l'on decouvre aussi les liens forts etablis avec le voisinage. «Il y a quelque chose d'humain, d'un peu retro. On peut cueillir librement des fruits dans un verger puis regler son du dans une tirelire sans controle. Notre vie est faite de ces petites choses», conclut-il.

Pour une politique claire
Limiter sa strategie aux seniors n'est pas realiste. En cela, les autorites valaisannes ont raison, il n'est pas coherent de poursuivre ce seul objectif en termes de developpement economique. Pourtant en offrant des conditions fiscales attrayantes aux etrangers de plus de 55 ans, le canton affiche son interet pour cette tranche de la population. Quand on sait que nombre de Suisses, et surtout de Romands, caressent aussi le projet de finir leur vie en Valais, on peut se demander pourquoi une politique coherente n'est pas mise en place. D'autant que l'interet ne fera qu'augmenter durant les prochaines annees. Les membres les plus ages de la generation du baby-boom seront a la retraite a la fin de la decennie, les plus jeunes dans les annees 2020. Leur arrivee, tout comme l'allongement de l'esperance de vie, dynamisera encore ce marche du troisieme d'age dont le potentiel est allechant. Dotes pour certains d'un pouvoir d'achat consequent et immerges dans une societe des loisirs, ces seniors de demain imaginent une retraite recreative. Le Valais a tous les atouts pour y repondre. On ne demande pas au canton de devenir l'equivalent de la Floride en betonnant tous azimuts. Bien au contraire. Le Valais a cependant une carte a jouer dans une niche haut de gamme. Dans ce contexte, un message clair des autorites est primordial. Elles doivent coordonner l'action des offices de tourisme et des societes de developpement. Si cette perspective parait moins seduisante que de faire du Valais un acteur des nouvelles technologies, il ne faut pas perdre de vue le bagage de ces retraites. Integres, leur savoir-faire ne pourra que venir renforcer l'economie valaisanne.

Le canton ne veut pas de villages pour retraites
La creation de zones homogenes signifierait une mise a l'ecart des seniors. Ce que tout le monde refuse. Le Valais n'affiche pas pour autant une strategie definie.

«Nous n'avons pas de strategie particuliere.» Francois Seppey, a la tete du developpement economique et touristique (Sdet) du canton, est prudent a l'idee d'un positionnement du Valais comme lieu de residence pour les retraites meme dynamiques. Il met en exergue un risque de desequilibre de la societe. «Il existe un fosse entre la perception exterieure de l'economie valaisanne et sa realite, rencherit Jean-Yves Pannatier, membre de la direction de la Banque Cantonale du Valais (BCVs). L'industrie chimique et l'approvisionnement en energie, par exemple, sont les principaux contributeurs au produit interieur brut (PIB) valaisan.» «On fait du tourisme quand on n'a rien d'autre», rappelle Christophe Clivaz, professeur a l'Institut economie & tourisme de la Haute ecole valaisanne (HEVs) de Sierre.

L'integration, la cle du succes
Pourtant, les donnees demographiques attestent d'un vrai mouvement des plus de 50 ans en direction du Valais. Ce phenomene doit-il etre observe passivement? «Il ne faut pas que le canton se laisse aller au gre des changements societaux», previent le professeur valaisan. Urs Zenhausern, directeur de Valais Tourisme, plaide lui pour le developpement d'une politique sensible afin d'exploiter encore mieux ce creneau. A ce sujet, Christophe Clivaz identifie une tendance autour de la sante incluant le bien-etre, la gastronomie et la nature. Des choses restent a faire. La vinotherapie developpee dans le Bordelais se presente par exemple comme un concept interessant pour une region aussi viticole. Pour tous les interlocuteurs, un developpement de l'offre immobiliere serait par contre un non-sens. Un Valais compose de villages de retraites comme le sud de l'Espagne ou la Floride serait une aberration. «Il existe deja beaucoup trop de zones baties, de residences secondaires, previent l'universitaire. De plus, le concept de zones homogenes ne me plait pas.» Le cantonnement des plus ages n'est pas dans l'esprit des Valaisans et de leurs hotes. «Les gens qui viennent chez nous sont tres independants. Ils ne veulent pas de ghettos cibles. Au contraire, ils entendent participer a la vie quotidienne», observe le directeur de Valais Tourisme. L'integration se presente comme la cle du succes aux yeux de Christophe Clivaz. A ce sujet, il souligne le danger d'une fiscalite attrayante. Outre une question d'equite et de dependance de certaines communes vis-a-vis de cette manne financiere, il met en avant le risque de depart de ces nouveaux arrives. «La question du lien avec le lieu est essentielle. Il faut s'assurer que les gens s'impliquent dans la vie locale, qu'on essaye de les integrer.»


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